Après le 2e confinement, Thierry Moitié, vendeur de livres itinérant depuis 10 ans, décide de se réinventer. Fin janvier, il est un des premiers à suivre « Les enjeux du numérique », un webinaire réservé aux commerçants. Puis il fait le grand saut dans le Cloud.
Ses clients l’appellent le marchand de bouquins, le libraire et, parfois aussi, même si ses livres sont neufs, le bouquiniste. Thierry Moitié se définit plutôt comme un libraire itinérant sans boutique.
Installé à son compte depuis 10 ans, Thierry vend des livres neufs de 2ème choix, déstockés. Il les revend de 30 à 50% moins cher que lorsqu’ils ont le statut de nouveautés. Son plus, c’est le livre pour enfant. Petit à petit, il se construit un réseau de points de vente autour de sa base arrière, Villeneuve-la-Guyard ; puis il élargit son rayon d’action à Rouen, Troyes, Blois… et toujours la Bretagne en été. Paris ? « J’ai arrêté, il y a trop de circulation », explique-t-il.
Des expo-ventes organisées par les CE
Ses points de vente principaux sont les entreprises, par l’intermédiaire des Comités d’entreprise qu’il a démarchés. A l’heure du déjeuner, il anime des expositions ventes pour le personnel. C’est là qu’il rencontre et conseille ses clients. La clientèle est surtout féminine. Il vend également à des bibliothèques dans le cadre du réassort, pour remplacer des livres trop usés, ou en nombre insuffisant. Il se rend parfois aussi dans des écoles maternelles, à la demande, souvent en fin d’année, quand un budget est prévu pour offrir des livres aux enfants.
Ses sources d’inspiration ? « Je regarde de temps en temps des émissions télévisées telles que La p’tite librairie, La grande librairie, Un livre un jour. Mais ce que je préfère, c’est me balader dans les grandes enseignes, dans les librairies, voir ce qui se fait, comment les rayons sont organisés… C’est joli à regarder, et ça me donne des idées ! » raconte-t-il avec enthousiasme.
Mais tout ça, c’était avant. Avec le coronavirus, l’exercice de son activité se complique.
« Pendant le premier confinement, je me suis débrouillé ; j’ai contacté mes CE, ils ont vraiment été solidaires, ils ont fait ma pub par les réseaux sociaux ; je répondais à mes clientes par mail, par téléphone, c’était un peu laborieux, mais je m’en suis sorti. Au 2e confinement, tout s’est arrêté. Je suis passé en commerce essentiel depuis peu, j’ai donc récupéré le droit de vendre mes livres, mais je n’ai plus d’endroits où les vendre ! », note-il avec humeur. Il décide alors de tourner la page… momentanément.
Il décroche son téléphone et appelle la CCI, à Sens et à Auxerre, pour se faire aider. De lectures en conversations, il se retrouve ainsi l’un des premiers commerçants à suivre l’atelier ENP, Espace numérique professionnel, un dispositif financé par la Région.
Il répond à 172 questions par téléphone
Le 11 janvier, Thierry Moitié commence par suivre un webinaire organisé par la CCI, « Les enjeux du numérique ». Une heure plus tard, dont 20 minutes consacrées aux questions réponses, le marchand de bouquins décide de passer au chapitre suivant, le diagnostic numérique. Il répond à 172 questions par téléphone.
« Oui, en quelque sorte, on peut dire que j’ai été un pionnier. Et pourtant, le numérique, je vous assure, c’est vraiment pas ma tasse de thé ! Moi ce que j’aime, c’est le contact, le conseil, l’itinérance ».
Suite à ce questionnaire, un conseiller numérique de la CCI lui rend une série de préconisations et construit un plan par étapes qui tient compte de ses besoins, de son budget et de ses envies. Ayant bien compris la réticence de ce dernier à l’ordinateur et son cortège de réseaux sociaux, le conseiller saura être rassurant, pédagogue.
Un chèque numérique de 500€
L’accompagnement personnalisé de la CCI comprend l’établissement d’une liste de prestataires web. L’objectif est d’obtenir des devis adaptés aux besoins réels du boutiquier. Ce dernier recevra de la Région un chèque numérique de 500€ pour financer une partie du site web.
Thierry Moitié ne s’en laisse pas conter. Il sait ce qu’il veut : un site catalogue pour fidéliser sa clientèle, simple, sans référencement, ni règlement en ligne. Mais cette vitrine en ligne pourra être évolutive. « Dans un premier temps, je tiens à garder la main. Je ferai moi-même les photos recto verso des livres que je propose sur le site. Et je continuerai à assurer le conseil par téléphone et par mail », affirme-t-il, avant de conclure : « Je tiens à remercier toutes les personnes de la CCI qui ont su me conseiller et répondre à l’ensemble de mes interrogations ».
Thierry Moitié, le libraire itinérant sans boutique, a désormais l’appui de rayonnages virtuels pour poursuivre son activité modifiée en raison des contraintes sanitaires. Peut-être même qu’à l’insu de son plein gré, il prendra goût au numérique…